décembre 8, 2024

RDC : Tribune de Sylvain Tshiaba sur l’acquittement de Vital Kamerhe

En date du 23/06/2022, la Cour d’Appel de KINSHASA/GOMBE statuant en appel , a rendu son arrêt acquittant Monsieur Kamerhe et consorts poursuivis par le Ministère public du chef de l’infraction de détournement des derniers publics.

A titre de réminiscence, il faut noter que, la Cour de cassation de la République Démocratique du Congo avait cassé en date du 11/04/2022 l’arrêt de la Cour d’Appel ayant condamné à 13 ans des travaux forcés pour détournement de fonds publics, Monsieur Vital Kamerhe, l’ancien Directeur de Cabinet du Président Félix Antoine Tshisekedi, et renvoyé le dossier devant la même juridiction mais autrement composée, dont le dispositif est ainsi libellé :

“La Cour de cassation (…) reçoit le pourvoi [de Vital Kamerhe] et le dit fondé, casse avec renvoi l’arrêt attaqué. Renvoie la cause devant la Cour d’Appel de Kinshasa-Gombe autrement composée”.

A vrai dire, la Cour a estimé que le juge d’appel avait “violé le droit de la défense” de M. Kamerhe en rendant sa décision le condamnant à 13 ans des travaux forcés pour détournement des deniers publics, alors que “l’affaire n’était pas en état” d’être jugée, a-t-il argumenté.

Affaire Vital Kamerhe: “il y a absence des éléments constitutifs de l’infraction”.

L’Ancien Président de l’Assemblée Nationale, Vital Kamerhe, 63 ans, avait été condamné en avril 2020 à 20 ans des travaux forcés pour détournement de près de 50 millions de dollars alloués à la construction de maisons préfabriquées pour des militaires et des policiers dans le cadre de programme du Chef de l’Etat par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa /Gombe.

Mais, vant que cette décision de la justice soit rendue publique, les ténors se sont levés de partout, juristes ou profanes soutenant faussement que vu l’affaire et l’infraction reprochée à Monsieur Kamerhe, il ne peut pas être acquitté.

Suite à ce débat qui du reste divise l’opinion jusqu’à lors, par les présents propos , nous voulons répondre à la la question de savoir :
quelle catégorie de prévenu , doit-il être acquitté ? Est-il vrai que le législateur congolais conditionne l’acquittement à certains prévenus ?

Pour répondre à ces interrogations d’ordre procédural, nous nous proposons de définir d’abord le concept l’acquittement (|), ensuite parler de la nécessité d’acquitter un prévenu ( || ), viendra le tour de parler sur les conséquences de l’acquittement ( |||) .

I. L’acquittement, quid?

Est une décision de justice qui clôture un procès pénal en prononçant la mise hors de cause ( innocence ) de l’accusé ou du prévenu pour ce qui concerne les faits qui lui étaient reprochés.

II. La nécessité d’acquitter

L’acquittement est prononcé notamment lorsque la preuve de la culpabilité n’est pas établie dans notre système pénal. En effet, nul n’ignore le principe selon lequel le doute profite à l’accusé << IN DUBIO PRO REO >>

Le doute quand à la culpabilité d’un individu donc incompatible avec une condamnation celle-ci se fondant sur l’intime conviction des juges.
L’intime conviction du juge sera totalement acquise quand la preuve de tous les éléments de l’infraction aura été faite.

Cela implique d’une part, que le juge ne peut motiver sa condamnation sur les motifs hypothétiques et d’autres part ,que la preuve de tous les renseignements de l’infraction doit avoir été reportée, le prévenu ou l’accusé est donc acquitté lorsque subsiste un doute sur sa culpabilité.

En France, on parle d’acquittement pour les crimes jugés par Cour d’assise et la relaxe pour les délits jugés par les autres juridictions pénales notamment le tribunal correctionnel .
Cette différence de terminologie n’existe pas en Belgique ni en RDC où on parle simplement de l’acquittement

Pour bien cerner cette notion d’acquittement, il faut bien différencier d’autres termes de procédure pénale entre autre

  • le classement sans suite : est une décision prise par le Ministère public de ne pas poursuivre un inculpé.

Les causes du classement sans suite:

  • opportunité de poursuites
  • les faits non établis
    _ insuffisance de charge
  • infraction non établie
  • la prescription de l’action
  • difficulté d’enquête
  • vétusté de faits

La relaxe :

Est une décision qui émane du tribunal correctionnel ou d’un tribunal de police qui déclare le prévenu ( personne soupçonnée d’avoir commise un délit ou une contravention) non coupable des faits qui lui étaient reprochés.

Le non-lieu :
Est prononcé une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction au terme de phase d’instruction, c’est a dire avant la phase de jugement, et qui déclare qu’il n ya pas lieu de poursuivre la personne mise en examen.
L’ordonnance de non-lieu est prononcé ds le cas suivants :

  • le cas où les faits ne constituent pas une infraction définie pas le code pénal.
  • le cas où l’auteur de l’infraction n’est pas connu
  • le cas où il n’existe pas de charge suffisantes contre la personne

III. Quelle catégorie des personnes doit-il être acquittée

En droit congolais, le législateur n’a pas nullement conditionné l’acquittement à certains prévenus, c’est ce qui ressort de la loi n°11/002 du 20/01/2011 portant révision de certains articles de la constitution de la RDC du 18/02/2006, en son article 17 qui prévoit que : nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction au moment où elle est commise et au moment des poursuites.

Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif

L’acquittement est prononcé lorsque la preuve fait défaut.

Un prévenu peut être acquitté pour deux différentes raisons :

  1. lorsque la preuve de la culpabilité n’est pas établie

Le langage judiciaire parle de la charge de la preuve en droit pénal en vertu du principe ACTORI INCUMBIT PROBATIO. Cette charge pèse sur le demandeur, tout accusateur doit apporter la preuve des faits, ainsi toute accusation doit être accompagnée de preuves, cette charge revient également au Parquet donc le Procureur doit apporter les éléments prouvant la culpabilité du prévenu, il lui faut donc prouver que les faits ont bien été commis et que c’est bien ce prévenu là qui les a commis.

Le langage judiciaire s’interroge sur la force probante ay accorder aux différentes preuves. En fait, c’est au juge de décider sur l’importance ou poids qu’il accorde aux éléments de la preuve qui lui sont soumis pour juger de la culpabilité ou de l’innocence du prévenu au-delà de tout doute raisonnable.

  1. Lrsque les conditions légales de l’infraction ne sont pas remplies

Le droit pénal général détermine les principes généraux concernant les infractions, précise les conditions générales des incriminations et de la fixation des peines, compétences réservées au pouvoir législatif ou réglementaire, mais qu’est ce que infraction ?
L’infraction en droit pénal est un acte ou abstention d’agir qui est puni par la loi d’une peine.

Le Droit pénal prévoit les trois éléments de l’infraction: légal , matériel et moral.

Comme nous venons de le voir , pour qu’il ait l’infraction, il faut donc un fait ou un acte ou encore abstention puisse être mis au compte de l’auteur.

IV. Les conséquences de l’acquittement : l’indemnisation

En effet, une indemnité peut être accordée à une personne bénéficiant d’un acquittement. Elle correspond en règle générale à une réparation de la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours de la procédure terminée , de façon définitive, par son acquittement la détention provisoire est une mesure pénale prise par le juge des libertés et de la détention a l’encontre d’une personne mise en examen mais toujours présumée innocente, pendant le temps de l’instruction en matière de crime la détention provisoire est très fréquente

La personne acquittée peut ainsi demander la répartition intégration du préjudice moral et matériel que lui a causé la détention provisoire.

L’indemnité est due par l’Etat ou la partie civile qui a enclenché l’action publique.

Sylvain Tshiaba, juriste et analyste politique